Le Temps - 25.11.2016

De la pourriture du poisson et la formation managériale

Selon l’étude publiée le mois dernier dans la Harvard Business Review, chaque année les entreprises dépensent des millions en pure perte dans la formation managériale de leurs cadres. Le constat est affligeant : de retour à leur place de travail, ces derniers réadoptent le plus souvent les mêmes comportements qu’ils avaient avant la formation. Pourtant, la qualité andragogique des formations augmente constamment, tout comme leur digitalisation. Et les acteurs qui les suivent sont la plupart du temps sincères dans leur volonté d’évoluer et d’acquérir de nouvelles compétences. Alors comment pouvons-nous en arriver là ?

Le poisson pourrit toujours par la tête, disent les Chinois. Cet adage prend une fois encore tout son sens quand on analyse les raisons qui poussent ces cadres à ne pas faire évoluer leur technique managériale. Selon les auteurs de l’étude, la cause principale de ce flop est que le top management est rarement impliqué dans la remise en question de la manière avec laquelle leurs équipes sont encadrées. En effet, ces dirigeants partent souvent du principe que s’ils sont parvenus à ce niveau de la hiérarchie, c’est qu’ils n’ont plus rien à apprendre en matière de management. Améliorer la gestion des équipes et des individus dans les environnements complexes que nous connaissons aujourd’hui, c’est bon pour les autres mais pas pour eux. Ainsi, les cadres perçoivent un réel décalage entre les techniques qu’ils ont apprises et les pratiques de leurs chefs. Au-delà d’une débauche de ressources finalement inefficiente, ceci est un facteur de démotivation et de frustration du personnel encadrant, et il aurait été plus judicieux dans un tel contexte de ne pas organiser de formation du tout. Sauf à vouloir financer le développement de compétences qui seront valorisées dans une autre entreprise… Si l’on veut vraiment faire évoluer sa culture managériale, c’est l’ensemble des managers d’une organisation qui devrait se remettre en question, sous le leadership d’un patron convaincu et engagé, qui ne devrait faire preuve d’aucune indulgence en la matière pour sa garde rapprochée. Au-delà de l’acquisition de techniques ou d’outils, c’est une nouvelle culture qu’il va falloir développer. Et la culture managériale, comme la culture d’entreprise du reste à laquelle elle est étroitement liée, évolue toujours « top - down », soit du haut en bas de l’organisation par un seul et unique moyen : l’exemplarité. Les dirigeants devraient s’impliquer davantage dans la gestion du changement, en commençant par changer eux-mêmes avant de l’attendre des autres. Ils devraient également augmenter le niveau de leurs exigences par rapport à la réelle valeur ajoutée des formations dont ils valident les budgets, choisir des produits adaptés à leurs besoins et à leur culture, qui font du sens pour leur organisation. Les poissons guérissent aussi par la tête…