Le Temps - 02.05.2017
De l’absentéisme dans la fonction publique
Ce n’est un secret pour personne, l’absentéisme est endémique dans les fonctions publiques qui offrent une protection des travailleurs particulièrement forte. A titre d’exemple, en 2016 à Genève, il se monte en moyenne à 5.04% à l’Etat, pour la maladie ou l’accident seulement, et peut grimper jusqu’à près de 10% dans certains de ses services, comme à l’Office des poursuites, ou dans des établissements publics autonomes comme les TPG. Globalement en Suisse, le taux était de 2,9% en 2015 pour des raisons de santé uniquement. Il est généralement admis qu’un taux de 2% est incompressible. Amusons-nous un peu avec les chiffres... au niveau du « petit Etat », sur 15'820 postes (2016), l’effectif nécessaire pour assumer cet absentéisme au delà de l’incompressible est de 480 postes supplémentaires pour un coût de l’ordre de 60 millions. S’agissant du « grand Etat », où l’absentéisme est supérieur, l’effectif nécessaire se monterait à 1'650 postes, ce qui correspond en gros à l’effectif genevois de Firmenich, soit au minimum 165 millions !
Ce taux d’absentéisme est composé d’absences de longue durée pour maladie ou accident, par nature difficilement compressibles, et dans une large mesure d’absences de courte durée liées à des maux réels, imaginaires ou inexistants, sans certificat médical, et qui ne justifieraient normalement pas d’absence dans une entreprise privée. De gros efforts sont régulièrement entrepris dans les collectivités publiques pour combattre ce fléau qui plombe leurs comptes et leur performance, notamment avec l’appui de spécialistes en la matière, mais les résultats ne sont pas au niveau des attentes. En effet, dans certaines entités, une culture de l’absentéisme s’est développée et il n’est pas rare d’entendre qu’un certain nombre de « jours de maladie » par année sont un droit. Cette situation est très préoccupante dans la mesure où au delà des questions de coûts évoquées plus haut, elle augmente la charge de travail de ceux qui restent, parfois dans une mesure qui peut également créer de l’absentéisme auprès de ces derniers. Par ailleurs, l’écart avec le secteur privé se creuse dangereusement : le salaire moyen à l’Etat est un tiers supérieur à celui du privé et il croît régulièrement chaque année, l’emploi y est généralement garanti et la retraite, en primauté de prestations, bien supérieure à ce que peut offrir une entreprise. L’iniquité est préoccupante.
De nombreux facteurs peuvent expliquer cette dérive. Premièrement, cette tendance de fond liée à l’aversion au risque qui alourdi tous les processus et déresponsabilise des acteurs qui ne perçoivent plus le sens de leurs actions. Le management ensuite, qui peut manquer d’exigence et d’exemplarité. La démobilisation aussi, de fonctionnaires qui ne parvenaient plus à assumer leur job, ce dernier exigeant plus de compétences qu’ils n’ont pas pu ou pas souhaité développer et qu’on a placé dans des fonctions alibi et sans intérêt. La protection des travailleurs, enfin, qui ne se justifie plus pour de nombreuses fonctions, et qui met les profiteurs à l’abri de toute sanction. Il est grand temps de redonner du sens à la notion de service public !