Le Temps - 06.2020
Gestion des Ressources Humaines : de l’apologie du « et »
Célèbre universitaire américain, Dave Ulrich est une véritable icône planétaire de la fonction Ressources Humaines. Dans un de ses ouvrages, il a défini les quatre rôles fondamentaux que devraient assumer aujourd’hui les gestionnaires de capital humain dans nos organisations. Il les positionne sur 2 axes, le premier lie l’opérationnel à la stratégie et le second les hommes (et les femmes) aux processus. Le premier rôle, partenaire stratégique, est lié aux processus et à la stratégie, le deuxième, acteur du changement, aux hommes (et aux femmes) et à la stratégie, le troisième, expert administratif, est lié aux processus opérationnels et le dernier, champion des salariés, aux questions opérationnelles en relation avec les hommes et les femmes.
Ce dernier rôle s'attache principalement à améliorer les niveaux d'engagement et de compétences de nos collaboratrices et collaborateurs. Bien entendu, et comme le relève Raphael Cohen dans son dernier et excellent ouvrage « les leviers de l’engagements », il y a un lien direct entre l’engagement du personnel et la productivité de l’entreprise.
Il s’agit donc d’écouter les salariés et de répondre à leurs besoins afin de maximiser leur contribution. Si la fonction RH est sensée garantir un traitement équitable de l’ensemble des salariés d’une organisation, il s’agit ici de trouver des solutions individuelles sans remettre en cause le cadre général, ce qui me semble particulièrement central dans la période que vous vivons. En effet, nous avons tous vécu des expériences diverses avec cette pandémie qui s’éloigne, peut-être, petit à petit, et il n’y aura pas, à mon avis, un retour à ce que nous vivions jusqu’en février dernier.
Par exemple, si certains ont mal vécu le travail à distance, nombreux sont ceux qui y ont trouvé différents avantages, comme d’éviter les déplacements, d’organiser sa journée comme ils le souhaitent, de privilégier une logique de travail réalisé et pas d’heures effectuées, de bénéficier de la confiance ainsi que de la marge de manœuvre laissée par son manager.
Ce besoin d’une nouvelle liberté et de sortir de plus en plus d’une logique d’industrialisation du travail fait également écho aux attentes de nouvelles générations qui sont avides de sens, d’autonomie, d’un meilleur équilibre entre leurs vies professionnelle et privée, de solutions individuelles. L’heure est donc au « sur mesure » et les entreprises qui réussiront à attirer et à garder les meilleurs talents seront celles qui seront capables de faire cohabiter harmonieusement des gens qui voudront travailler différemment.
Oublions donc les cadres de travail rigides et imposés à tous, développons plutôt de nouveaux modèles de contribution adaptés aux attentes de nos collaboratrices et collaborateurs, chaque fois que c’est possible, afin d’aligner leur plaisir au travail et leur productivité. Ainsi, il faudra proposer du travail à distance (un, deux, trois jours par semaine ?) et du travail en présentiel, des horaires fixes pour les fonctions qui ont des impératifs de temps et pas d’horaires pour ceux qui le souhaitent, des temps partiels et des plein temps, des bureaux attribués et des bureaux partagés, des droits aux vacances flexibles (compensés par l’horaire et compensés par le salaire) et des droits aux vacances fixes, etc.
On nous prédisait un monde de « ou », le livre ou la tablette, la montre mécanique ou connectée, les transports en commun ou individuels, mais rien ne disparait vraiment, tout à tendance à s’additionner. Nos départements RH qui sont en première ligne devront donc apprendre à manipuler avec doigté le « et ».