Le Temps - 02.2022
Syndicalisme genevois : c’était mieux avant !
Les tristes et sordides déboires du foyer pour enfants autistes de Mancy, qui rappellent les heures sombres des orphelinats roumains sous Ceausescu, ont mis en lumière le rôle parfois discutable des syndicats. Ces derniers défendent en effet systématiquement les collaboratrices et collaborateurs, quels que soient les faits qui leurs sont reprochés, sans vérification aucune. Et c’est particulièrement vrai dans la fonction publique ou parapublique, où le personnel est spécialement bien protégé par le cadre légal et règlementaire.
Cette protection sans réserve de personnes qui dysfonctionnent décourage les responsables hiérarchiques de prendre les mesures qui s’imposent quand un employé indélicat n’assume pas correctement la fonction pour laquelle il est engagé et rémunéré. Le chemin du recadrage est tellement long et compliqué, risqué aussi pour les responsables qui s’exposent, que bien souvent ils y renoncent ou déplacent les intéressés ailleurs dans l’organisation, ce qui ne règle rien. Les conséquences de ces situations sont trop souvent délétères pour les collègues qui font rigoureusement leur travail, et qui représentent une large majorité, ou pour les bénéficiaires des prestations. Dans la fonction publique genevoise, les exemples de collaboratrices ou collaborateurs malhonnêtes ou incompétents qui usent et abusent du système sont légion et ils génèrent des coûts humains et financiers extraordinairement élevés pour la communauté. Ce postulat du collaborateur gentil et de l’employeur méchant est affligeant, il est temps aujourd’hui de passer à autre chose.
Prenons un autre exemple, heureusement moins tragique, la récente votation sur les horaires des magasins, qui a vu en novembre dernier une courte victoire syndicale devant le peuple (54% des votants ont refusé la modification). La proposition des commerçants était pourtant de réduire le temps de travail hebdomadaire d’une heure pour le personnel de vente (une heure de plus le samedi et deux heures de moins le jeudi). Dans ce cas de figure, un partenariat social pertinent aurait pu être de permettre aux entreprises de mieux résister à la concurrence de la France voisine, par ailleurs plus syndicalisée, et de sauvegarder les emplois genevois ; maintenir ou créer de l’emploi devrait aussi être une priorité syndicale.
Définir les horaires auxquels les habitants de ce canton peuvent aller faire leurs courses, c’est de la politique. Le syndicalisme serait plutôt de défendre les conditions d’emploi des personnes qui souhaitent travailler en dehors des horaires traditionnels, ce qui est particulièrement apprécié des étudiants, par exemple.
Il y a certainement plus à gagner à laisser la politique aux politiciens et de co-construire avec le patronat un marché du travail respectueux, performant, voire vertueux, dans un environnement où les conditions d’emploi sont globalement assez bonnes. S’investir plus intensément dans le tripartisme lié à la formation professionnelle, où la partie syndicale semble souvent se désengager serait aussi une bonne idée. Dans un passé pas si lointain, certains acteurs de ce monde syndical, aujourd’hui inactifs, nous avaient habitués à une posture plus convaincante, je rends ici hommage à ceux qui ont admirablement fait avancer la cause qu’ils défendaient avec loyauté et talent, je pense en particulier à Jacques Robert, Joël Mugny, Charles Beer et feu Bernard Nicole.