Le Temps - 09.01.2015
De l'utilité du temps passé à la machine à café ou entre deux portes
A part quelques irrécupérables stakhanovistes*, il en reste quelques-uns, nous consacrons tous une partie de notre temps de travail en relations informelles avec les uns et les autres où nous ne travaillons pas concrètement. Une étude menée récemment par un institut de sondage (Online Opinions) révélait que les Britanniques passent en moyenne 24 minutes par jour en pauses diverses, ce qui représenterait 188 jours dans une carrière à proximité d’un distributeur de boissons ou entre deux portes ! A l’heure de la recherche effrénée de la productivité maximale pour garantir notre compétitivité, est-il toujours possible de rémunérer une collaboratrice ou un collaborateur qui passe du temps à la machine à café ?
Effectivement, sans parler de l’effet positif de la pause comme temps de repos, ces moments d’échanges informels sont nécessaires à la bonne gestion de l’organisation, car ils permettent de gérer ou de réguler de nombreuses choses qui ne pourraient l’être que difficilement avec les moyens de communication standard comme l’email ou le téléphone. Une autre étude, française celle-ci (Instituts LH2 et Market Vision pour Nespresso en 2009), révèle même que ces pauses permettent d’augmenter la productivité des salariés, car elles sont un outil de cohésion indispensable pour souder les équipes et qu’elles offrent un excellent moyen d’apaiser les tensions.
Autre exemple : quelle meilleure stratégie que d’aller prendre un café en rentrant de vacances pour savoir ce qui s’est réellement passé depuis votre départ ? C’est le biais le plus efficace pour prendre conscience de ce qui est devenu important ou de ce qui ne l’est plus, de connaître les orientations du management ou des changements à venir ; toutes sortes d’éléments que vous ne trouverez pas dans une note de service. Ces échanges-là ont également l’avantage de vous offrir de l’information de qualité, plus complète, argumentée, critiquée. Charge à vous ensuite de vous faire votre propre idée. Ces pauses permettent également de poser des questions qu’il serait difficile d’amener de façon formelle. Bien maîtrisés, ces moments improvisés peuvent être aussi d’une redoutable efficacité pour un manager qui souhaite prendre le pouls de son organisation ou faire passer ses idées. C’est toujours aussi à la machine à café que se vit la culture d’entreprise et que se crée du lien.
Evidemment, ces espaces de liberté doivent être gérés si l’on veut garder intactes son image et sa crédibilité. Si vous y passez trop de temps, on pensera que vous êtes sous-occupé ou indolent. Par ailleurs, ce n’est pas non plus l’endroit pour y raconter sa vie et ses problèmes privés. Car tout ce qui se dit de manière informelle, et même sous le sceau du secret, sera tôt ou tard largement communiqué dans l’organisation, surtout si c’est croustillant !
*célèbre mineur soviétique à la production extraordinaire, rendu emblématique par Joseph Staline en 1935.