Le Temps - 08.01.2016

Du blues des dirigeants de l'Etat de Genève

Fin janvier 2015, le Grand Conseil genevois décidait de supprimer le 14ème salaire versé depuis 2009 aux hauts cadres de l’Etat et des établissements publics autonomes, à l’exception de ceux des HUG et des cyclistes… Je plaisante s’agissant de ces derniers, mais il est difficile de comprendre pourquoi un médecin devrait être traité différemment d’un autre cadre. La décision a été manifestement prise à cause d’un parti qui souhaitait montrer sa mauvaise humeur lorsque son principal leader n’a pas été élu à la Vice-présidence du Grand Conseil. Rien à voir donc avec une réflexion de fond sur la politique de rémunération. Très concrètement, un Directeur général en classe 30 (annuité 12) par exemple, a vu ainsi diminuer son salaire mensuel du jour au lendemain de CHF 1'320,-, quel que soit son niveau d’engagement et de performance. C’est le propre de l’Etat de privilégier les coupes linéaires à des choix délibérés qui sont toujours plus difficiles à défendre. Cette mesurette donc, qui visait à économiser 3 mio (7 mio si l’on avait inclus les cadres des HUG) sur un budget de coûts de personnel de 2,331 milliards (budget 2015), soit 0,13%, peut être cependant lourde de conséquence.

Le système de rémunération en vigueur à l’Etat de Genève privilégie en effet depuis toujours les postes les moins qualifiés au détriment des fonctions dirigeantes. C’est ainsi que pour les emplois à bas seuil de formation, comme les nettoyeurs ou les aides-soignants, l’Etat paie environ 30% de plus que le marché et inversement, pour les cadres dirigeants, il paie au minimum 30% de moins. L’indemnité supprimée avait justement été créée pour limiter cet écart. Cette situation péjore la compétitivité de l’Etat en tant qu’employeur et va limiter sa capacité à attirer les talents dont il a cruellement besoin pour faire face aux enjeux qui sont les siens. Imaginons par exemple que vous bénéficiez d’une solide formation et d’une riche expérience vous permettant de vous positionner à une fonction de cadre supérieur. Il faudrait être un brin masochiste pour entrer au service de l’Etat, en renonçant à un tiers de sa rémunération potentielle, pour assumer une fonction dans un contexte d’un niveau de complexité rare, pensez au cadre règlementaire des relations de travail par exemple, tout en étant plus exposé que dans le privé. En d’autres termes, au delà de la question de la rémunération, vous devrez mobiliser beaucoup plus de ressources et d’énergie, risquer votre réputation, pour obtenir des résultats plus faibles que dans un environnement non public.

Genève a la fonction publique la plus pléthorique du pays et la plus chère du monde, nous serons donc condamnés à produire plus avec moins de ressources dans l’avenir, comment y parviendrons-nous sans dirigeants compétents et motivés ?