Le Temps - 27.03.2015
La culture traditionnelle remise en question
« Si vous pensez que la formation coûte cher, essayez l’ignorance » disait Nabila (ou Abraham Lincoln, j’ai un doute…). La formation est un investissement conséquent pour les entreprises et organisations qui développent leur patrimoine humain, c’est une réalité. Jacques Attali relève dans son livre « L’avenir du travail » paru en 2007, que 80% des connaissances actuellement pertinentes dans l’exercice de la plupart des métiers deviennent obsolètes 10 ans plus tard. Il explique également qu’en 2007, le savoir technique disponible, mesuré par le nombre de pages de publications, double tous les sept ans et qu’il doublera tous les septante-deux jours en 2030. Si l’on en croit ces projections, il faudra donc acquérir de plus en plus de connaissances et de compétences, et ce de plus en plus rapidement. Dans un contexte où les entreprises elles veulent pourtant que leurs cadres, collaboratrices et collaborateurs passent moins de temps en formation.
Effectivement, sans parler de l’effet positif de la pause comme temps de repos, ces moments d’échanges informels sont nécessaires à la bonne gestion de l’organisation, car ils permettent de gérer ou de réguler de nombreuses choses qui ne pourraient l’être que difficilement avec les moyens de communication standard comme l’email ou le téléphone. Une autre étude, française celle-ci (Instituts LH2 et Market Vision pour Nespresso en 2009), révèle même que ces pauses permettent d’augmenter la productivité des salariés, car elles sont un outil de cohésion indispensable pour souder les équipes et qu’elles offrent un excellent moyen d’apaiser les tensions.
Ainsi, la formation continue en entreprise est souvent remise en question, car il est difficile de mesurer avec précision son retour sur investissement, ce qui, à l’ère où les indicateurs de performance dictent leur loi, est un pêché capital. Si cette mesure demeurera toujours très difficile à réaliser, il n’en reste pas moins que la formation continue traditionnelle doit aujourd’hui se réinventer, afin de devenir plus efficace et d’améliorer le taux de transfert des compétences. En effet, qui n’est pas revenu enthousiaste à l’issue d’une formation, convaincu qu’il allait diamétralement changer sa façon de faire… avant de constater deux semaines plus tard qu’il était revenu à ses méthodes de travail initiales.
Les scenarii andragogiques qui retiennent l’attention aujourd’hui sont souvent inspirés par les travaux de Lebrun* et intègrent les nouvelles technologies de blended learning, soit un mélange de formation à distance et en présentiel. En d’autres termes, le cours de formation devient une étape parmi d’autres dans un processus d’apprentissage élargi, qui débute avant le cours et se finit après. Il s’agit donc tout d’abord de transmettre un savoir, ce qui peut être fait via des supports mobiles, en amont du cours, en privilégiant une approche inductive. Ensuite, il faut contextualiser la matière pour que les participants y trouvent du sens et l’intègrent par l’action, via des études de cas et des serious games. Dans cette logique, le cours de formation en présentiel se concentre donc sur les interactions et les échanges entre les participants, qui constituent ainsi des opportunités de vivre des expériences formatives en groupes, d’avoir de l’émotion, ce qui est un puissant marqueur de mémorisation. Enfin, à l’issue du processus, les participants démontrent concrètement l’acquisition des compétences par des travaux personnels. Certaines formations actuelles proposent également en complément des heures de coachs (qui vous posent des questions) et/ou de consultants (qui vous proposent des solutions), pour aider à implémenter les nouvelles compétences dans le quotidien. Cette approche prometteuse sonne donc le glas des exposés ex cathedra et des PowerPoint. Qui s’en plaindra ?
*Marcel Lebrun, prof. en technologies de l’éducation, Université Catholique de Louvain